J’ai visité ce monde en attendant mon sort,
Assoiffé d’inconnu, sous des cieux sans remords,
Caressant de mes vers des courbes généreuses
En humant des parfums aux langueurs prometteuses.
J’étais un conquérant, me voici devenu
Un spectre au regard blême, un homme revenu
De promesses sans gage aux bouches misérables,
De baisers à regret, d’amitiés ineffables.
De sordides pays, j’ai connu bien des mots
Clamés dans un soupir ou criés contre maux,
Portant les noms bonheur, délivrance ou courage,
Proscrits comme la peste et méritant la cage.
Sous d’autres horizons, j’ai connu la passion
D’être né jaune ou blanc et parler religion,
Ou de peau rouge ou noire et chanter la tristesse
Quand venait sur ma joue une main, en détresse.
De montagnes en mers, de plaines en maisons,
J’ai côtoyé les cœurs comme chaque saison,
Les pauvres et les purs, les riches et les lâches,
Un tas de gens communs aux vêtements sans tâche.
J’ai même pénétré des brumes sans matin
Où chaque ombre vivante était une catin,
Se glissant contre moi, comme une feuille morte,
Les mains et le cœur froids au perron de sa porte.
Trop de murs élevés m’ont contraint au retour,
Après avoir troqué mon espoir tous les jours.
Quand enfin parvenu sur ma terre natale,
L’aurore avait changé pour une aube fatale.